Arles, 2008
Je ne suis ni un photographe professionnel, ni un expert du monde de l’Art, juste un « amateur éclairé » pour reprendre une formule convenue. Et je reviens des Rencontres d’Arles, rendez-vous annuel du gotha de la photographie, que je fréquente régulièrement, et le plus souvent avec plaisir, depuis quelques années. Quelle n’a pas été ma stupéfaction et, au final, ma colère en parcourant les différentes expositions (pas toutes je dois l’avouer, j’ai craqué avant la fin), en particulier celles du parc des ateliers.
Pourquoi, par exemple, être allé chercher E. Metidines, photographe mexicain spécialiste de la rubrique des faits divers sanglants, et remplir trois grandes salles de photos souvent à la limite du supportable. N’y a-t-il rien d’autre à montrer dans le cadre de l’année du Mexique ?
Plus grave à mes yeux, il semblerait que quand les commissaires d’exposition n’ont rien à dire ou à montrer ils conceptualisent. Le sommet de la démarche est atteint avec l’exposition « From here on » organisée par C. Chérioux, J. Fontcuberta, M. Parr, E. Kessel et J. Schmid (excusez du peu !). Sous couvert d’un discours post-quelque chose re-re-remâché que l’ouvreuse vous a bien demandé de « ne pas photographier » (!!???) (en gros : « la surabondance d’images liée à Internet et au numérique et la généralisation du copier-coller change tout et plus rien ne sera jamais comme avant », tarte à la crème de toutes les avant-garde autoproclamées depuis la nuit des temps), le spectateur assiste stupéfait à la déferlante du grand n’importe quoi, avec la nette sensation qu’on le prend pour un imbécile : photomontage grotesque d’un touriste devant des volcans, capture d’images de webcam « vernaculaires » sans queue ni tête, mur de bites venues du monde entier (super !!), captures d’écrans d’émissions TV, re-bite mais cette fois en vidéo, montages vidéos totalement niais se voulant parodiques, etc, etc.
Quelques mètres plus loin, section « découvertes des rencontres d’Arles », je tombe nez à nez sur un monsieur-poilu-tout-nu-sous-sa-douche tiré en 1x2m (mal mais ça doit participer de la « démarche »). Le programme explique, sans rire, qu’ « au cœur de sa démarche artistique, on trouve une collection pornographique accumulée au fil des décennies, constituée de magazines, d’images, de vidéos. Si la pornographie est pour beaucoup une affaire solitaire, Clary [l’Artiste dont il est question] se voit comme faisant partie d’une communauté d’hommes, appareil photo en main, l’ordinateur à proximité, prêt à prendre leur pied : un rituel important et constructeur d’identité. L’image finale, en tant qu’œuvre d’art, dépasse la représentation d’un seul homme, pour représenter une idée de l’homme en général ». Heureusement que le ridicule ne tue pas…
Soyons sérieux, je n’ai rien contre la photographie contemporaine (Gursky, Wall, les Becher, Marchand & Meffre, Mercadier…), au contraire, mais il faut qu’elle soit porteuse d’un minimum d’émotion, de sensibilité, de sincérité, de rigueur artistique. Là c’est juste affligeant de bêtise et de nombrilisme. Je reste stupéfait que les Rencontres soient descendues si bas.
Heureusement qu’il restait la passionnante exposition sur l’usage de la photographie par le New York Times Magazine pour garder espoir.
5 commentaires:
Ax rencontres, il y a toujours eu à prendre et "à laisser", question de goût et de l'idée qu'on se fait de la photographie. Tout à fait d'accord avec toi pour la seconde catégorie. Pour la première, j'ajouterai les photos de la valises mexicaine, l'expo tendance floue entre autre.
D'accord avec toi mais là je trouve que la partie "à laisser" prend des proportions (et une place) trés trés inquiétante!!
C'est sûr, mais on se retrouve vite à se poser des questions de philo du bac style "qu'est-ce que l'art ?" etc... Je fréquente régulièrement le musée d'art moderne stéphanois et je me heurte aux mêmes interrogations devant certaines installations d'art conceptuel.
Ceci dit, j'aime beaucoup tes photos (que je place dans ma catégorie 1) , tes textes et ton approche biographique pleine de retenue.
Pardon pour l'orthographe ci-dessus, j'ai cliqué sans relire !
Encore d'accord. C'est quoi ton mail pour continuer la conversation ?
A+
Je n'avais pas lu cette critique, mais Sylvain, tu viens de ranimer une morne après midi de travail. Merci pour cette "belle" critique; bien sur, il y aura toujours les "j'aime" et les "j'aime pas". Peut être que l'art a aussi pour but de marquer les esprits, par la beauté somptueuse ou l'hérésie la plus complète. J'avais visité une biennale d'art contemporain dernièrement, et en étais sortie terrorisée par le sentiment que j'avais alors ressenti des "oeuvres" qui étaient toutes sombres, acérées, pointues...j'avais ce sentiment d'angoisse, de peur, de sang aussi...Bref, j'avais "ressenti". Je n'avais pas aimé; mais j'avais ressenti. Est-ce peut être là la quête. En résumé, je comprends bien ta critique. Mais cette exposition n'est-elle pas non plus le résultat, triste, des angoisses de ce monde: la guerre, le "macabre" et le sexe ? N'est-elle simplement le reflet d'une société sans cesse attirée par le fait divers lugubre et la quête du moi sexuel ?
Tout ça pour dire: merci, ma pause est réussie! et continue...tes photos font toujours naître un sentiment !
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