« Les coups de tambour répétés semblent psalmodier une légende sans mots. Et seuls demeurent les toits des maisons qui s’assombrissent à mesure que la couleur de l’eau et la lumière du ciel changent, les dalles de pierre grisâtres confusément distinctes entre les cours des maisons, la boue qui a gardé la tiédeur du soleil, l’haleine exhalée par le museau des buffles, les bribes de conversation qui montent des habitations, comme des disputes, et aussi le vent du soir, le tremblement des feuilles des arbres au-dessus de ma tête, l’odeur de la paille et de l’érable, le clapotis de l’eau que l’on remue, le grincement d’une porte, peut-être, ou du treuil d’un puits, le pépiement des moineaux et le roucoulement d’un couple de tourterelles quelque part dans leur nid, les appels des voix aiguës des femmes et des enfants, l’odeur de l’armoise et les bourdonnements des insectes en vol, la boue sèche sous les pieds, mais molle en dessous, le désir latent et la soif de bonheur, les vibrations que font naître dans le cœur les sons du tambour, l’envie de marcher pieds nus et de s’asseoir sur le seuil d’une porte rendu luisant par le passage des hommes. »
Gao Xingjian, La montagne de l’âme,
Editions de l’Aube, 1995, p. 226-227.
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