samedi 17 septembre 2016

Sur la photographie

« Les images cueillies au passage, comme un insecte sur laquelle la main se ferme, et l’on n’est même pas sûr de l’avoir attrapé. On ne sent presque rien, seul un petit grattement-frôlement qui pourrait venir d’autre chose. Alors on écoute. Il y a bien un léger bourdonnement. On ouvre les doigts un par un. On aperçoit le bout de l’aile, un fragment de monument, de l’herbe, des lianes, des barrières, une patte, un œil, un fil électrique semblable à une antenne. On referme la main sur son trésor avec un peu de gêne, puis on ouvre brusquement les doigts, et l’on est tout heureux de voir s’envoler ce beau moment, ailes intactes, tandis que l’on recommence à boire le paysage à grande goulées dans l’éclaboussement des arbres. »

Michel Butor, in « Paris – Londres – Paris », Bernard Plossu / Michel Butor,
Mission Photographique Transmanche, Cahier 1, 1988. Editions de La Différence, CRP Nord – Pas-de-Calais. 

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